@PeterKupcik / 123RF
Pour certains, les textes sacrés sont considérés comme porteur du message Divin. Pour d’autres, ils ne représentent rien. Il ne s’agit pas ici de trancher sur cette question qui relève de la croyance libre de chacun.
Par contre, parce que véhiculés depuis des milliers d’années, les textes sacrés ou la mythologie font, eux aussi, partie de l’inconscient collectif, de notre mémoire collective. Ils nous apportent, par les liens qu’ils effectuent, des clés possibles et des enseignements sur la vie en général.
De cette manière, que nous soyons croyants ou non, nous pouvons comprendre l’influence et l’impact qu’ils ont sur l’inconscient de chacun et sur notre vie.
Ceci est donc juste une réflexion sur les notions de croyance et de mécréance en passant par l’Islam et la racine arabe de ces mots.
Tout comme le font les kabbalistes avec la Bible, il est possible de faire une étude ésotérique de l’Islam et du Coran en cherchant, entre autre, à comprendre les sens profonds et cachés des mots. C’est ce que font les soufis. En langue des oiseaux, l’étude des racines est la première partie dans l’étude du sens caché d’un mot (voir le 1er tome du livre "l’être et les maux par les mots et les lettres").
Les termes "croyant" et "mécréant" sont souvent opposés l’un à l’autre. De manière littérale, certaines personnes voient souvent dans le croyant celui qui pourra accéder au paradis et dans le mécréant celui qui sera voué à l’enfer… En fait, en allant plus loin, il est difficile de comprendre l’un sans comprendre l’autre.
L’étude de ces mots par la racine arabe transposée dans la vie peut apporter des enseignements précieux à chacun, sur la vie en général. On peut comprendre ces notions de "croyant" et de "mécréant" autrement, en dehors du fait religieux.
Le croyant : Mu’min
En arabe, le croyant est désigné par Mu’min. Or, Mu’min a la même racine que amana qui signifie le "dépôt sacré". Dans un cadre religieux, Mu’min, le croyant, désigne donc celui qui a reçu un "dépôt sacré" : la foi profonde en Dieu. Par ailleurs, la Prophétie est considérée comme une amana, un "dépôt sacré" que les prophètes se sont engagés à transmettre à leur peuple.
En extrapolant, nous pouvons donc voir dans Mu’min, dans la croyance, la notion de "dépôt sacré", de don, de mission, que l’on doit incarner et faire parvenir au monde…
Transposé dans la vie de tous les jours, on peut voir le "dépôt sacré" autrement.
Dieu, la Vie, nous a tous faits différents et uniques. Si cette différence n’était pas importante celle-ci nous aurait tous faits identiques. Elle n’aurait fait que des clones. Or, nous sommes tous différents : nous avons tous nos blessures, nos croyances et surtout nos aspirations et nos rêves qui font de nous des êtres uniques… On peut imaginer que cette différence implique que la Vie, Dieu, a donné à chacun de nous, a placé en chacun de nous un sens, une mission, une fonction différente que nous devons reconnaitre, incarner et partager…
Grâce à la racine du mot, on peut comprendre qu’au fond le "croyant" est celui qui :
reconnait en lui le "dépôt sacré" qui lui a été offert ;
incarne et honore ce "dépôt sacré" ;
transmet au monde, partage avec le monde ce "dépôt sacré"…
On est donc "croyant" quand on reconnait son "dépôt sacré", son amana, sa particularité, sa mission… En fait, notre mission, ce qui fait de nous quelqu’un d’unique, se trouve dans nos rêves et aspirations. Est croyant celui qui travaille à incarner et à offrir ses aspirations les plus profondes au monde. C’est lorsque nous acceptons et transformons nos blessures pour aller vers nos rêves ; quand nous incarnons notre "dépôt sacré", qu’on touche alors à l’essence de notre être.
Le mécréant : Koufr
Au travers de la notion de "croyant", de Mu’min, on peut alors comprendre mieux la notion de "mécréance"…
En arabe, le mécréant se dit koufr. Ce mot est fort. Il est même devenu, chez certains, un forme d’insulte. Or, à l’origine, ce mot désigne la notion de cacher, de couvrir, d’occulter...
Dans ce contexte, on peut imaginer qu’est "mécréant", non pas la personne qui ne croit pas en Dieu mais celle qui ne reconnait pas et n’honore son "dépôt sacré", son sens, sa fonction, ses rêves profonds ; la personne qui les voile, qui les cache ou qui les occulte ou bien celle qui cherche à les garder pour elle parce qu’elle a peur de le perdre... En Islam, la mécréance n'est donc pas liée au fait de ne pas croire en Dieu ou en une religion.
Celui qui oublie son "dépôt sacré", oublie son âme et s’oublie donc lui-même… Dans ce contexte, il devient "mécréant" et pourra avoir la sensation de vivre un "enfer" dans sa vie : le sien…
Croyant et mécréant
Dans cette vision, en passant par ces racines, l’Islam nous enseigne qu’être croyant n’est pas affaire forcément ou seulement de religion ou de foi en Dieu mais plutôt de capacité à reconnaitre, à honorer, à incarner et à transmettre le cadeau divin, le "dépôt sacré" que la Vie à placé en nous… Quand nous le reconnaissons, nous pouvons accéder à notre "paradis" et avoir la sensation d’être à notre place dans ce monde. Nous sommes alors sur notre voie, celle sur laquelle nous nous sentirons connectés, en paix et dans la joie.
Dans l’autre sens, l’Islam nous enseigne que ce n’est pas forcément quand nous ne croyons pas en Dieu que nous sommes "mécréants" mais quand nous cachons ou occultons le cadeau, le don qui nous a été fait. Nous pouvons alors avoir la sensation de vivre un "enfer", de ne pas être à notre place ou sur notre voie…
De plus, symboliquement, le souffre est un élément lié à l’enfer et au diable. En langue des oiseaux, on peut donc imaginer qu’on est dans notre enfer, qu'on est "mécréant", quand on "souffre". Nos souffrances peuvent alors être vues comme des indicateurs d’égarement dans une partie de notre vie. Elles peuvent être vues non pas comme des ennemies mais comme des guides, des rappels. Elles viennent nous demander de nous rappeler de nous-mêmes ; de la partie essentielle de nous-mêmes que nous avons oubliée : notre âme, notre "dépôt sacré", notre mission, notre sens contenus dans nos aspirations profondes…
Mécréance et croyance ne sont alors pas opposées ou ennemies mais ne font qu’un, comme les deux facettes d’une même pièce… Dans ce contexte, la mécréance permet à la croyance de s’accomplir, elle permet à chacun de retrouver sa voie, en se rappelant de son "dépôt sacré", pour le réaliser et apporter sa pierre à une œuvre qui dépasse l’individu… Moïse n’a t’il pas trouvé son sens grâce à Pharaon ?
Allons plus loin
Koufr est lié à kafara qui désigne l'action du paysan qui enfouit une graine dans la terre. Koufr peut donc être en lien avec l’action noble de mettre en terre une graine…
La racine du mot croyant, de Mum’in, parle d’un dépôt sacré… Peut-on imaginer alors que la graine qu’on met en terre dans la "mécréance" est en fait le dépôt sacré de la croyance ? Et que celui-ci doit d’abord être mis en terre, mis en germe au fond de nous-mêmes, pour ensuite pouvoir grandir, pousser, éclore et être offert au monde grâce à la croyance… La mécréance permet alors à la croyance d’exister et de se réaliser.
On peut alors peut-être voir la "mécréance" comme une étape fondamentale sans laquelle il est impossible d’accéder ou de vivre pleinement la "croyance"… Et, dans l’autre sens, on peut voir la "croyance" comme la finalité de la "mécréance"…
Transposées dans la vie, nos souffrances (liées à la mécréance) peuvent alors être vues comme des étapes, des guides essentiels qui nous permettent d’accéder à notre "dépôt sacré"… à notre mission, à notre sens (liés à la croyance)… afin de participer à l’œuvre du monde…
L’axe mécréance/croyance nous invite alors :
à d’abord nous centrer et aller au fond de nous-mêmes pour planter la graine, pour prendre conscience de cette graine, de ce dépôt sacré qui est en nous. Prendre conscience et accepter ce que nous sommes ou ce que nous ne sommes pas, notre mission, notre sens caché dans nos rêves pour qu’il puisse avoir une chance de se réaliser… Ce sera la "mécréance".
Puis travailler à incarner cette graine et la transmettre au monde… Ce sera la "croyance".
Dans cette vision, la mécréance en mettant en terre la graine, le dépôt sacré, initie le mouvement pendant que la croyance l’accomplit et le termine… Ainsi, cet axe nous invite à d’abord aller en nous pour ensuite nous ouvrir au monde et c’est quand nous ne le faisons pas que peut survenir blocages et souffrances…
Deux pièges peuvent alors apparaître :
Quand on reste bloqué dans la "mécréance" en oubliant la "croyance"…
Quand on ne fait que commencer sans rien accomplir ; quand on ne fait des choses que pour soi sans rien faire pour le monde… Quand on est centré uniquement sur soi-même en oubliant ou rejetant le monde ou une partie du monde… Quand on ne fait que se chercher soi en oubliant le monde… Quand on reste bloqué au stade de la graine, qu’on la cache ou qu’on ne lui permet pas d’éclore et qu’on prive ainsi le monde de son fruit. On peut alors ne pas prendre notre place dans le monde ou nous opposer à lui. Dans ce piège, le monde peut faire peur, on n’a peur que le monde ne nous tue… alors on s’oppose à lui ou on le rejette. En cas de blocages, les reproches sont tournés vers nous-mêmes.
Quand on est bloqué dans la "croyance" sans avoir expérimenté la "mécréance"…
Quand on cherche à accomplir ce qui est important pour l’autre mais qu’on ne commence jamais ce qui est important pour soi. Quand on s’est tourné vers le monde sans être allé profondément en soi avant… Quand on connait l’univers mais pas soi-même. Quand on cherche donc à incarner un dépôt sacré qui n’est pas forcément le notre ou qu’on nous a soufflé mais qui ne vient pas de notre dépôt sacré… On peut alors prendre une place qui n’est pas à nous. Dans ce piège, nous avons peur de nous mêmes et pouvons nous opposer à nous-mêmes. En cas de blocages, les reproches sont tournés vers les autres.
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